La jeune arbitre Ando Herimahefa vient de se voir confier la charge de développer le rugby féminin à Madagascar. Pour l’accompagner, elle peut compter sur une bourse de leadership octroyée par World Rugby.
Le rugby féminin n’a pas encore pris possession du village d’Ambatondrazaka, situé dans l’Est de Madagascar, à près de 300 km de la capitale Tanarife. Pourtant, parmi les 50 400 habitants vit sa plus grande ambassadrice : Ando Niaina Herimahefa.
Elle vient de se voir confier la charge de responsable du rugby féminin auprès de Malagasy Rugby, la fédération malgache de rugby. Un beau défi qu’entend relever cette jeune femme dynamique et souriante de 27 ans pour qui, pourtant, cette histoire n’était pas écrite.
Car à Ambatondrazaka, même ses parents n’y connaissaient rien au rugby. Encore moins ses deux sœurs. « Je l’avais vu à la télé, mais je ne l’ai jamais pratiqué », admet-elle. « J’ai demandé à mon papa comment ça se jouait, mais il ne savait pas non plus. » Peu importe. Car face aux images que le sport renvoie, ses parents lui déconseillent de jouer.
A cette époque, Ando pratique le basket et le hand, participe à toutes les compétitions nationales scolaires. Garçon manqué plus que princesse, c’est dans le sport qu’elle trouve sa voie. C’est le sport qu’elle choisit pour ses études. Son déménagement à l’université sera déterminant pour la suite de son histoire.
L’ÉCOLE, L’ENDROIT OÙ COMMENCE LE RUGBY
C’est en première année à l’université qu’elle côtoie pour la première fois le monde du rugby. « Un ami m’a invitée à rejoindre son club, mais je savais que mes parents n’allaient jamais accepter. Mais une autre occasion s’est présentée et c’est là que j’ai décidé de suivre une formation d’officiel de match. Je suis devenue arbitre, puis responsable des arbitres, puis en charge du développement du rugby scolaire », raconte-t-elle.
Ando est devenue prof d’EPS et c’est dans ce cadre qu’elle s’est confrontée au rugby qui était enseigné. « J’ai adoré jouer avec des garçons. Pour moi, le rugby est une passion. » Il semble qu’entre-temps ses parents ont changé d’avis : parce qu’un arbitre a moins de contact physique avec les autres joueurs, alors ils ont accepté.
En moins de dix ans, Ando a gravi les échelons au sprint. « A Madagascar, le rugby c’est pas comme le foot. Ici, tout le monde connaît le foot. Le rugby, c’est surtout à la capitale, mais quasiment pas dans les villages », dit-elle.
Avec l’association humanitaire Terres en mêlée, partenaire de Spirit of Rugby de World Rugby, et Get Into Rugby, elle s’attache désormais à populariser ce sport auprès des jeunes, des jeunes filles en particulier.
« Mon job porte sur le développement du rugby féminin, comment faire pour attirer plus de joueuses, plus d’entraîneures, plus de prépatrices physiques, plus d’arbitres femmes », détaille-t-elle. La fédération lui fait confiance et, au printemps 2020, World Rugby lui a octroyé une bourse de leadership pour l’aider à relever cet incroyable défi.
« J’AIMERAIS QUE LE RUGBY DEVIENNE LA RÉFÉRENCE DU SPORT FÉMININ À MADAGASCAR »
« J’étais trop contente d’avoir cette bourse ! Mon papa l’a appris au travers des réseaux sociaux, je n’avais même pas eu le temps de les prévenir ! » Son plus grand atout est qu’elle est elle-même prof de sport et ainsi elle sait comment faire passer au mieux le message auprès de ses collègues. « En tant que prof d’EPS, c’est facile de travailler avec les autres collègues. C’est plus facile de créer une relation.
« On a organisé des formations pour les enseignants dans les écoles pour qu’ils apprennent aux enfants. Ça fait déjà trois ans qu’on a un championnat de rugby scolaire à Madagascar. Oui, le rugby féminin est moins populaire que le rugby masculin, mais c’est ça le défi ! J’aimerais que ça devienne la référence du sport féminin à Madagascar », assure-t-elle.
« Notre plus gros problème, c’est que dans les villages peu de parents savent ce qu’est exactement le rugby, quelles sont ses valeurs. Il faut leur faire comprendre que ce n’est pas un danger pour les filles mais que ça va les aider dans leur éducation et dans leur vie. »
Ando en est la preuve vivante. « Au début, ma famille n’arrivait pas à imaginer que c’était grâce au rugby que j’avais réussi mes études ! Le rugby m’a aidée à me développer, c’est vraiment exceptionnel. »
UN EXEMPLE À SUIVRE
Timide et humble, Ando admet qu’elle peut être considérée comme une leader, un exemple à suivre pour d’autres jeunes filles. « J’aimerais mettre en place des responsables dans chaque ligue afin que le rugby soit plus développé dans les provinces. Peut-être qu’il y a des femmes qui ne se rendent pas encore compte qu’elles peuvent devenir des leaders, comme moi. Mon objectif est de former une équipe avec qui je peux travailler pour développer le rugby », insiste-t-elle.
« Pour moi, c’est déjà un rêve de devenir la responsable et j’aimerais persévérer. Je ferais de mon mieux pour aider les filles à atteindre leur plein potentiel. J’aimerais que le rugby féminin soit la référence des sports féminins à Madagascar. Et pourquoi pas en Afrique ! »